Aller au contenu principal
images

Juin 2022, un mois historique pour le paquet climat « fit for 55 »

Après les votes du 22 juin des eurodéputés en session plénière sur des textes majeurs du paquet climat proposés par la Commission européenne, et les Conseils Energie et Environnement menés par la présidence française de l’UE, respectivement les 27 et 28 juin, un cycle de négociations s’achève pour le paquet « fit for 55 ».

1. Un premier test pour le paquet climat le 8 juin au Parlement européen

Que signifie « fit for 55 » ? Le 14 juillet 2021, la Commission européenne a proposé une série de textes législatifs visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 55% d’ici 2030 afin d’atteindre la neutralité climatique en 2050. Les objectifs sont multiples : la décarbonation des secteurs les plus polluants (transports, industrie, bâtiments) et l’accélération de la transition énergétique d’autant plus urgente dans le contexte actuel (guerre en Ukraine).

Après des mois de négociations au sein de la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen (ENVI) présidée par Pascal Canfin (Renew), 7 textes législatifs majeurs du paquet climat « fit for 55 » étaient soumis aux votes en plénière à Strasbourg le 8 juin.

a) Votes sur la révision du système d’échange de quotas d’émission de l'UE (SEQUE), sur le Fonds social pour le climat (FSC) & sur le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM)

Tout devait normalement bien se dérouler suite aux votes en ENVI sur la réforme du marché carbone mais divers accords de dernière minute entre différents groupes politiques ont conduit au dépôt nouveaux amendements réduisant les objectifs ou reportant les échéances.

Par exemple, la fin des quotas gratuits a été retardée à 2035 (contre 2030 adopté en ENVI) pour les entreprises européennes dans les secteurs couverts par la taxe carbone aux frontières (CBAM). En effet, les producteurs non européens de fer, d’acier, d’électricité, de ciment, et d’engrais devront payer une taxe pour exporter leurs produits dans l’UE tout comme les entreprises européennes qui peuvent vendre ou acheter des quotas carbone sur le marché carbone européen (ETS) en fonction de leurs émissions.

Cette nouvelle version moins ambitieuse du texte a été rejetée par 340 députés (les Verts, S&D, l’extrême-droite et la gauche).

Révision du marché carbone : système ETS 2 ou bis (Emission Trade System)

Créé en 2005, le marché du carbone (ETS 1) est l’un des principaux outils pour atteindre une baisse significative des émissions de GES dans des secteurs donnés (électricité, ciment, vols intra-européens…). Dans le cadre du paquet climat « fit for 55 », la Commission européenne a proposé d’étendre le marché carbone au transport routier et aux bâtiments (ETS 2) en 2026. Dès 2025, le Fonds social pour le climat prévoit de redistribuer 25% des recettes issues de l’ETS 2, sous forme d’aides aux ménages les plus modestes et aux microentreprises.

Or, par souci de concurrence équitable, cette taxe CBAM sur les produits importés doit être synchronisée avec la date de fin des quotas gratuits pour les entreprises européennes (visée dans le texte rejeté). La question s’est donc posée de la cohérence de voter ou non sur les deux autres rapports relatifs au CBAM et au FSC (dépendants du rapport rejeté sur la révision du marché carbone).

Pascal Canfin a proposé de décaler le vote final du FSC et du CBAM tant que l’ETS bis n’est pas assuré, ce qui a été largement approuvé.

b) Normes d'émissions de CO2 pour les voitures et les camionnettes

Malgré le rejet de la réforme du marché européen du carbone, la position du Parlement européen sur les projets de législations sur les émissions CO2 des véhicules et de l’aviation ou encore celle sur les puits de carbone a bel et bien été adoptée le 8 juin.

Finalement, la fin de la vente des véhicules thermiques neufs en 2035 a été adoptée (339 voix pour, 249 contre, 24 abstentions) grâce à la coalition formée par Renew, S&D, les Verts, et the left. Le rapport final se rapproche majoritairement de la proposition initiale de la Commission.

D’ici à 2035, les constructeurs automobiles devront ainsi réduire de 100 % les émissions de CO₂ des voitures et camionnettes qu’ils fabriquent, par rapport à 2021. Les objectifs intermédiaires restent ceux proposés par la Commission (2025 : -15 % ; 2030 : -55 % pour les voitures et -50 % pour les véhicules utilitaires légers). On peut noter également la fin du bonus octroyé aux constructeurs automobiles sous forme de quotas d’émissions de CO₂ lorsqu’ils dépassent leurs objectifs. La Commission proposait de supprimer ce bonus, mais en 2030.

2. Votes déterminants le 22 juin en mini-plénière à Bruxelles

Deux semaines plus tard, après d’intenses négociations, les 3 textes interdépendants étaient de retour en plénière. Cette fois-ci, un accord regroupant une majorité solide avait été trouvé entre le PPE, S&D et Renew. Le rapport final sur la révision du marché carbone (ETS) comprenant les nouveaux amendements de compromis a donc été adopté. Voici les principales mesures de ce rapport :

  • Extension de l’ETS au transport routier et bâtiment dès 2025 (ETS bis) pour les entreprises, les particuliers ne seraient pas concernés avant 2029
  • Les objectifs de réduction des GES pour 2030 devraient passer de 61 % à 63 % (par rapport à 2005) dans le cadre de l’ETS
  • Disparition des quotas gratuits progressive pour les entreprises européennes couvertes par le CBAM entre 2027 et 2032 (fin totale des quotas gratuits)
  • Maintien des quotas gratuits pour les entreprises exportant vers des pays sans taxe carbone au nom de la compétitivité

Les votes sur les textes du CBAM (taxe carbone aux frontières) et du FSC ont ainsi été adoptés sans changements majeurs par rapport à la proposition de la Commission européenne.

3. Suites des négociations: Conseil Energie et Environnement-Trilogues

Quel est le rôle du Conseil de l’UE ? Le Conseil regroupant les ministres de chaque Etat membre négocie et adopte les actes législatifs, dans la plupart des cas avec le Parlement européen dans le cadre de la procédure législative ordinaire, appelée "codécision". Il s’agit d’une entité juridique unie regroupée en 10 formations différentes en fonction des enjeux traités (agriculture et pêche, compétitivité, environnement, affaires étrangères, transports…).

Sa présidence tournante d’une durée de six mois était assurée par la France jusqu’au 30 juin. La présidence française de l’UE (PFUE) a dû se charger de trouver des compromis sur une bonne partie des textes du paquet climat entre les ambassadeurs des Etats membres (COREPER) avant d’adopter une orientation générale sur chaque texte en Conseil Energie, Environnement ou Transports par les 27 ministres.

La République tchèque a pris le relais de la France le 1er juillet.

Clôturant la PFUE, les Conseil Energie et Environnement ont été couronnés de succès malgré des changements de positions au dernier moment.

A l’issue de deux jours de négociations intenses, les 27 ministres de l’environnement se sont entendus sur cinq textes majeurs du paquet climat le 29 juin. Parmi ces textes, l’extension du marché carbone au transport routier et aux bâtiments (ETS bis) ainsi qu’à l’aviation et au transport maritime est fixée à 2027. Pour résumer, la disparition des quotas gratuits dans les secteurs liés au CBAM se fera à un rythme plus lent que ce que proposait la Commission : – 30 % de quotas gratuits en 2030 mais toujours une suppression totale en 2036. Pour le reste, pas de modifications du niveau d’ambition de l’ETS proposé par la Commission : – 61 % d’émissions de GES d’ici à 2030 (par rapport à 2005). Les ministres ont aussi trouvé un accord pour fixer l’enveloppe du FSC à 59 milliards d’euros pour la période 2027-2032 alimentée par 20% des recettes de l’ETS bis (contre 25% initialement proposée par la Commission européenne). La fin de la vente des véhicules thermiques neufs pour 2035 a finalement été adoptée. Une fois ces 3 accords majeurs obtenus, le reste des textes ont été adoptés (ETS pour l’aviation, puits de carbone naturels et partage de l’effort climatique). Cet accord s’ajoute à celui sur le mécanisme carbone aux frontières, adopté par les ministres des Finances en mars.

L’objectif fixé par la ministre française de la transition énergétique présidant le Conseil était clair : « Il n’est pas envisageable de retirer un dossier du paquet : soit nous parvenons à un accord qui sera historique sur les cinq textes, soit il n’y a pas d’accord ».

Le Conseil Energie s’est déroulé de manière plus apaisée avec des compromis trouvés assez rapidement sur l’efficacité énergétique (directive EED) et les énergies renouvelables (directive RED II). Par rapport au projet de la Commission, l’objectif de consommation d’énergie primaire de l’UE (1 023 Mtoe en 2030 ou « – 9 % ») perd son caractère contraignant et seul celui en énergie finale (787 Mtoe) reste obligatoire. Peu de temps après, les 27 ministres de l’Energie se sont entendus sur une « orientation générale » pour réviser la directive RED II. La majorité des Etats a soutenu l’objectif contraignant de 40% d’énergies renouvelables (ENR) dans le mix énergétique européen en 2030 et l’accélération des procédures d’autorisation pour les ENR. La production d’hydrogène vert jouera un rôle très important dans la décarbonation de secteurs comme le transport et l’industrie.

Les négociations en trilogue, autrement dit les réunions entre les deux co-législateurs, le Parlement européen et le Conseil de l’UE sous l’égide de la Commission européenne, vont pouvoir commencer en vue d’obtenir un compromis sur chacun des textes. Les trilogues pourraient être lancés dès juillet sur le marché du carbone (ETS) et se terminer au plus tôt fin 2022, au plus tard durant le premier semestre 2023.

Pour en savoir plus :

Votes en plénière le 22 juin Communiqué de presse du Conseil Energie du 27 juin Communiqué de presse du Conseil Environnement du 28 juin Présidence tchèque du Conseil

Taille
du texte :